Beaucoup de catholiques consacrent plus ou moins de temps à la prière, mais rares sont ceux qui vont jusqu’à faire oraison. Cela explique en partie pourquoi ils ont tant de mal à garder leur âme tournée vers Dieu au cours de leurs journées. Car l’oraison est véritablement un rendez-vous avec Notre-Seigneur qui illuminera toute votre journée et entretiendra la flamme de votre vie intérieure.
Dom Romain Banquet, fondateur de l’Abbaye d’En Calcat, disait :
« Dieu attend l’oraison comme le rendez-vous le plus intime de notre âme avec Lui ; Il nous attend dans l’oraison. Il demande de nous l’oraison, Il en a besoin. Et nous le tenons en échec lorsque nous ne la lui donnons pas, cette oraison qu’Il a le droit de nous demander et que nous avons besoin, nous aussi, de faire avec soin et assiduité… Quand on se prive de l’oraison, du même coup on se prive de la vie intérieure.
Ces lignes à elles seules suffisent à montrer l’importance de l’oraison quotidienne. Si donc vous voulez entrer dans l’intimité de Dieu, écouter ce qu’Il veut vous dire au fond du cœur et vivre en sa présence au cours de vos journées, vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Le Père de Foucauld, ermite à Tamanrasset, se mettait à genoux avant l’aube et ouvrait son Evangile en disant : « Seigneur, qu’avez-vous à me dire ? » Puis il lisait lentement le passage marqué la veille. Il s’arrêtait, fermait son Evangile : « Et moi, maintenant, Seigneur, que vous dirai-je ? » Ce doux colloque avec le Maître, c’était toute sa méthode d’oraison, fidèle en cela à la tradition simple et savoureuse des anciens moines. C’est cette tradition monastique que nous allons voir plus en détail.
Se mettre en présence de Dieu
“Seigneur, vous êtes là !”
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus disait qu’au début de nos prières, il fallait tout de suite se mettre en présence de Dieu par un vigoureux acte de foi : « Seigneur, vous êtes là ! ». De cette prise de conscience que la Sainte Trinité elle-même habite dans notre âme et qu’elle nous écoute, dépendra en bonne partie la qualité de notre oraison.
Cette mise en présence de Dieu doit être courte mais faite avec ardeur et amour, ainsi toutes les pensées inutiles et les préoccupations se verront chassées du même coup. Pour cela, vous pouvez toujours vous aider des différentes « mises en présence de Dieu » qui se trouvent dans les missels ou dans les livres de prière.
Avant de vous mettre en oraison, invoquez le Saint-Esprit afin qu’Il vienne vous aider. « L’Esprit vient au secours de notre faiblesse car nous ne savons pas prier. » (Rom VIII, 26). C’est bien le Saint-Esprit qui est l’acteur principal dans notre oraison, il ne faut pas l’oublier, c’est pourquoi saint Paul disait que « l’Esprit-Saint prie en nous avec des gémissements inénarrables » (Rom VIII, 26). Là encore, vous trouverez pour vous aider des prières au Saint-Esprit déjà composées, à moins que le Saint-Esprit lui-même ne vous en inspire une plus personnelle.
Lire un texte spirituel
“Seigneur, éclairez-moi !”
Comprenez bien qu’il ne s’agit pas ici de faire une étude intellectuelle d’un ouvrage ou d’un texte spirituel. Votre formation spirituelle doit trouver sa place à un autre moment.
Cette lecture d’un texte spirituel n’est qu’un moyen pour vous conduire dans l’oraison. Elle doit donc vous servir comme d’un tremplin pour vous projeter, vous lancer dans la prière et la contemplation.
Ceci a une conséquence capitale sur la manière de faire cette lecture. Il faut tout d’abord lire lentement et avec attention ; puis dès qu’un mot, une phrase ou un paragraphe vous frappe, interrompez votre lecture pour vous appliquer à scruter et à pénétrer l’idée qui vous a touchés. Peu importe si vous ne terminez pas le chapitre ou le paragraphe, peu importe même si vous n’avez lu qu’une phrase : la lecture n’était qu’un moyen.
Certains, déjà avancés dans les voies de l’oraison, parviennent d’ailleurs à s’en passer et entrent directement dans l’oraison; d’autres feront appel à leur mémoire pour méditer une pensée ou une prière en guise de tremplin. Mais pour les débutants et pour bien d’autres, il est fortement conseillé d’utiliser une lecture pour commencer l’oraison, tout en se rappelant que ce n’est qu’une béquille !
Quels textes faut-il lire pour faire oraison ?
Afin que la lecture puisse réellement faire office de tremplin pour la prière, il est nécessaire que le texte soit très dense spirituellement car sinon vous n’arriverez jamais à “décoller”, à trouver une idée frappante, et vous passerez toute votre oraison à lire en cherchant désespérément une inspiration.
Le texte par excellence qui doit nourrir votre oraison et vous conduire à la prière est celui de l’Ecriture Sainte. Car c’est Dieu lui-même qui nous parle et nous enseigne à travers les différents auteurs de la Bible. Mais si tous les textes de la Sainte Ecriture sont inspirés par Dieu, tous ne sont pas pour autant à prendre pour faire oraison. Il y a là un choix à faire afin que le passage choisi puisse vraiment vous porter à la prière. Par exemple les livres du Nouveau Testament seront plus aptes à vous aider dans l’oraison que ceux de l’Ancien, encore que dans celui-ci il y ait aussi des livres d’une grande densité spirituelle (ex. les Psaumes, Job, etc.).
Après l’Ecriture Sainte, viennent les textes liturgiques, qui constituent la prière officielle de l’Eglise. Un grand nombre d’entre eux sont d’ailleurs empruntés à l’Ecriture Sainte, ce qui nous assure un choix déjà tout fait pour notre oraison. Pourquoi en effet ne pas prendre tout simplement l’Epître ou l’Evangile du jour, surtout les jours de grandes fêtes et les dimanches ? Parmi les textes liturgiques établis par l’Eglise, beaucoup sont admirables et très propices à l’oraison. Voyez par exemple les hymnes et les antiennes des fêtes et les prières de la Messe collecte, secrète, postcommunion ou encore l’ordinaire de la Messe. Le canon romain en particulier est composé de prières antiques et vénérables d’une grande beauté spirituelle. Vous les apprécierez d’autant plus pendant la Messe que vous aurez su les méditer à l’oraison.
Ensuite il y a les écrits des Saints. Les textes du saint Curé d’Ars et de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus se recommandent tout spécialement par leur simplicité et leur profondeur, mais vous pouvez aussi bien sûr utiliser un texte d’un saint que vous aimez bien, dans la mesure où il se prête à l’oraison, certains écrits des saints étant excellents pour se former spirituellement mais non appropriés à l’oraison, faute de densité spirituelle suffisante.
Enfin certains ouvrages spirituels de qualité peuvent être utilisés, en particulier ceux qui sont reconnus comme tels par une longue tradition dans l’Eglise. Parmi ceux-ci, « L’Imitation de Jésus-Christ » est incontestablement à placer en tête, car si certains passages sont difficiles en raison du fait que cet ouvrage a été écrit pour des moines, il n’en reste pas moins vrai que la profondeur et la beauté de ses maximes en fait un livre des plus aptes à nous plonger dans l’oraison.
Vous voyez qu’il existe en définitive un grand nombre de textes pour faire oraison, ce n’est pas le choix qui manque, ou plutôt il vous faudra nécessairement faire un choix. A vrai dire, il faut garder une grande souplesse dans ce choix et prendre chaque jour le texte qui sera le plus propre à vous aider à prier.
Si par exemple vous êtes en difficulté avec une personne, vous pouvez très bien choisir un texte qui parle de la charité fraternelle ; vous en tirerez certainement des lumières et le Saint-Esprit vous soufflera probablement à l’oreille la conduite à suivre pour l’avenir. Ainsi dans votre oraison, vous recevrez chaque jour des lumières fort utiles pour guider votre vie et adaptées à vos besoins spirituels du moment.
Méditer le texte
“Seigneur, qu’avez-vous à me dire ?”
Nous l’avons dit, la lecture du texte doit être lente et appliquée afin précisément de déboucher sur la méditation. Dès qu’un mot, une phrase ou un paragraphe vous frappent, il faut interrompre la lecture pour scruter et pénétrer l’idée qui vous a touché.
La méditation consiste donc tout d’abord à bien assimiler cette idée et pour cela il faut souvent relire plusieurs fois le passage qui vous a frappé jusqu’à en tirer tout ce que vous pourrez. Cependant la méditation ne doit pas se limiter à ce travail de compréhension et d’assimilation du texte ; elle doit déboucher sur un entretien de votre âme avec Dieu. Pour cela, demandez-vous ce que le Bon Dieu veut vous dire à travers ce paragraphe, cette phrase ou ce mot :
« Seigneur, qu’avez-vous à me dire ? »
comme disait le Père de Foucauld.
● En quoi ce passage s’applique-t-il à moi ?
● Qu’est-ce que Dieu m’y demande ?
● Qu’est-ce qu’il m’y promet ?
Cette recherche de la volonté de Dieu sur vous à travers ce texte, cette écoute de la parole de Dieu en votre âme doivent aboutir maintenant à une réponse de votre part, ce sera la prière !
Prier
“Seigneur, que vous dirais-je maintenant ?”
Arrivé à ce stade de l’oraison, il ne s’agit plus tant d’écouter ce que Dieu veut vous dire que de vous adresser à Lui avec simplicité et amour en Lui disant avec le Père de Foucauld :
« Et moi, maintenant, Seigneur, que vous dirai-je ? »
C’est alors que votre oraison prendra une des cinq formes de la prière, selon ce que vous aura suggéré le texte. Supposez que vous méditiez le récit de l’Annonciation, votre prière pourra prendre la forme :
1) d’une adoration
(par exemple en adorant Dieu qui daigne s’incarner)
2) d’une demande
(par exemple en demandant d’être humble comme la Sainte Vierge)
3) d’une intercession
(par exemple en priant pour les orgueilleux qui font leur malheur)
4) d’une action de grâces
(par exemple en remerciant Dieu de l’envoi de notre rédempteur, Jésus-Christ)
5) d’une louange
(par exemple en récitant le Magnificat)
Il est certain que les dispositions spirituelles dans lesquelles vous vous trouverez pourront influencer votre prière en lui faisant adopter l’une ou l’autre de ces formes : adoration, demande, intercession, action de grâces ou louange. Mais le Saint-Esprit jouera un rôle encore plus important, sans même que vous le perceviez, spécialement en vous inspirant des sentiments et des paroles que vous adresserez à Dieu.
Il existe toutefois une forme de prière bien plus haute que les cinq précédentes. Dans ces dernières il y a un exercice naturel de nos facultés humaines : c’est une prière à voix humaine, si l’on peut dire, même si l’action du Saint-Esprit n’est pas absente. Alors que dans cette forme de prière supérieure, nos facultés humaines deviennent passives pour laisser totalement la place au Saint-Esprit. Cette forme parfaite de la prière, c’est la contemplation.
Contempler
“Seigneur, qu’il est doux d’être en votre présence !”
Avant de voir ce qu’est plus précisément la contemplation proprement dite, voyons tout d’abord ce qu’elle n’est pas.
La première erreur consiste à confondre la contemplation avec différentes grâces exceptionnelles : visions, apparitions, révélations, prophéties, extases et ravissements. Ces états mystiques sont également des dons de Dieu mais ne sont accordés qu’à certaines âmes et sont extraordinaires, alors que la contemplation n’est pas réservée seulement aux mystiques de haute volée mais voulue de Dieu pour tous ses enfants.
La deuxième erreur consiste à confondre la contemplation avec des états naturels du domaine sensible : somnolence, langueur, exaltation et rêverie.
Afin d’éviter ces deux sortes d’erreurs, tâchons de dire maintenant ce qu’est la contemplation. C’est là que les choses se compliquent car il est plus aisé de dire ce qu’elle n’est pas, que ce qu’elle est. En effet la contemplation étant un état surnaturel, nos mots humains ne peuvent exprimer totalement ce qu’elle est.
Voici comment les saints ont essayé de la définir :
● « Une simple vue et pénétration de la Vérité »
(Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique)
● « Une connaissance amoureuse de Dieu »
(Saint Jean de la Croix, Nuit obscure)
● « Une amoureuse, simple et permanente attention de l’esprit aux choses divines »
(Saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu)
La contemplation peut donc être définie comme étant un simple regard d’amour absorbé en Dieu dans l’immobilité et le silence intérieur de l’âme. Il n’y a pas de prière plus parfaite car c’est alors que se réalisent les paroles de saint Paul : « L’Esprit-Saint prie en nous avec des gémissements inénarrables. » (Rom VIII, 26).
Mais ne croyez pas pour autant que la contemplation soit compliquée, au contraire, c’est une action toute simple. Deux exemples nous le montrent :
● Chaque soir le Curé d’Ars voyait un paysan s’installer au fond de l’église après son travail aux champs et rester là pendant plusieurs heures. Un jour, n’y tenant plus, le saint Curé lui demanda ce qu’il faisait, et le paysan de lui répondre : « Je le regarde et il me regarde. » Ce paysan était tout simplement en contemplation ;
● Saint Bernard rencontrant un jour une bergère, lui demanda si elle priait de temps en temps. Celle-ci avoua qu’elle n’arrivait pas à prier car, disait-elle : « Le matin quand je me réveille, je commence à réciter un Pater mais quand j’ai dit « Notre Père », j’entre dans un tel émerveillement que Dieu est notre Père, que je demeure toute la journée dans cet émerveillement et que je ne peux jamais terminer la récitation de la prière ». Cette bergère qui se croyait incapable de prier avait en réalité atteint la perfection dans la prière : autrement dit, elle était en contemplation toute la journée.
Ces deux exemples nous montrent que la contemplation peut être donnée à d’autres moments que dans l’exercice de l’oraison.
La contemplation étant l’œuvre de Dieu seul, « c’est à Dieu seul qu’il appartient de placer l’âme dans cet état surnaturel », disait saint Jean de la Croix. Il est libre d’octroyer ce don quand Il veut, c’est pourquoi il n’est pas rare qu’Il l’accorde indépendamment de l’oraison quotidienne, par exemple pendant une action de grâces ou une adoration du Saint-Sacrement.
Cela ne diminue nullement l’importance de notre oraison quotidienne, car s’il est vrai que ce don de la contemplation ne nous est pas systématiquement accordé lors de cette oraison, et peut même être donné indépendamment d’elle, il n’en reste pas moins vrai que notre oraison quotidienne nous place dans les meilleures dispositions pour que Dieu agisse dans notre âme et nous accorde, s’Il le juge bon, ce don de la contemplation. De plus il faut bien reconnaître que la vie d’un paysan ou d’une bergère est beaucoup plus propice à l’action divine dans les âmes que l’agitation et la suractivité de notre société actuelle.
Le rôle de l’oraison est donc de préparer l’âme à l’action de Dieu, ce qui suppose se détacher de soi et en particulier ne pas chercher à savoir si nous prions bien. Celui qui guette le moment de la contemplation n’y parviendra pas car il n’y a contemplation que si l’âme s’oublie elle-même pour ne regarder que Dieu. Saint Antoine du Désert disait : « Le religieux ne prie bien que s’il ne s’aperçoit pas lui-même qu’il prie ». De même saint François de Sales : « La meilleure prière ou oraison, c’est celle qui nous tient si bien employés en Dieu que nous ne pensons pas à nous-mêmes ni à ce que nous faisons ».
Cette contemplation reste souvent, surtout au début, momentanée et intermittente ; aussi dans les intervalles, n’hésitez pas à reprendre tout simplement le texte soit en relisant le même passage, soit en lisant la suite. En reprenant ainsi le tremplin après avoir atterri, vous pourrez de nouveau redécoller et si Dieu le veut, retrouver la contemplation.
Conclusion
A la fin de l’oraison, n’oubliez pas de remercier Dieu de tout ce que vous avez reçu pendant ce temps de prière, même si vous n’avez rien senti. Ce qui importe c’est d’avoir offert à Dieu de tout votre cœur ce temps de prière.
Il est bon également de prendre une résolution afin de mettre en pratique ce que Dieu vous a montré ou fait comprendre pendant votre oraison. Celle-ci doit en effet vous aider à faire la volonté divine, qui est l’unique chemin vers une paix authentique de l’âme et une union véritable avec Dieu.