On a l’impression que chaque geste est codifié. Ils sont multiples (génuflexions, signes de croix). L’attitude intérieure n’est-elle pas plus authentique ?
Certes, l’union à Dieu par la vie de prière intime, personnelle et silencieuse, est essentielle à notre vie chrétienne. Le Seigneur Jésus a condamné la piété hypocrite du pharisien qui cherche à se faire valoir et cela reste toujours vrai : la vanité est particulièrement méséante dans le sanctuaire. Cela n’a pas empêché le Seigneur de bien user lui-même des gestes de la liturgie juive : montée à Jérusalem aux grandes fêtes, élever les yeux, se laver les mains (et même les pieds) avant la Pâque etc…
On doit tenir d’abord que le chrétien est indissociablement, comme tout homme sur cette terre, âme et corps, et le corps prend tout naturellement part à la prière. La sainte Ecriture nous apprend souvent à ne pas dissocier l’âme et le corps.
Dieu nous a créés et nous sauve âme et corps. Le corps, destiné à la résurrection, est ici-bas le temple du Saint-Esprit par le baptême ; il est en contact physique avec le corps du Christ dans l’Eucharistie, et les sacrements sont accomplis sur lui pour sanctifier l’âme. Dans le Sacrement des malades ou Extrême Onction, par exemple, l’huile sainte coule sur les diverses parties du corps, pour souligner que tout dans le corps est intéressé à l’œuvre de notre salut.
Tout sentiment humain authentique s’exprime spontanément par l’attitude ou le geste. Et, en retour, l’attitude et le geste expriment, intensifient ou même parfois provoquent l’attitude intérieure.

Par ailleurs, tout chrétien est membre d’un grand corps qui est l’Eglise ; la liturgie en est la prière officielle et collective, donc visible. Les signes extérieurs sont requis par le caractère communautaire de cette prière liturgique. L’unanimité des cœurs s’exprime autant par les attitudes corporelles que par les paroles ou le chant. Saint Bernard, à la suite des Pères anciens, compare les gestes liturgiques à une chorégraphie sous la conduite des anges.

Etre debout, c’est, chez le prêtre, l’attitude de celui qui sacrifie. Chez les fidèles, c’est une marque de respect, à l’entrée ou à la sortie du célébrant, pendant le chant de l’évangile. C’est l’attitude de celui qui est attentif, de celui qui est prêt à faire ce que Dieu lui demande ; signe que nous sommes fils de Dieu, libérés de l’esclavage du péché et ressuscités.
La prière à genoux exprime notre adoration du Dieu tout-puissant présent dans le saint sacrement. C’est aussi une attitude pénitentielle ; c’est un signe de supplication, de deuil, d’humilité et de repentir ;
Etre assis est l’attitude du docteur qui enseigne et du chef qui préside ; c’est aussi l’attitude de celui qui écoute et médite : lecture, prédication, chants de méditation.
La procession est le symbole du pèlerinage de la communauté vers Dieu, à la suite du Christ qui est passé de la mort à la vie. Ainsi, par tous les gestes et les attitudes qu’elle imprime dans le corps des fidèles, la liturgie rend à Dieu l’hommage de tout ce qui est humain.

Chaque geste de révérence, chaque génuflexion que vous faites devant le Saint Sacrement est important, parce qu’il constitue un acte de foi au Christ, un acte d’amour envers le Christ.
Jean-Paul II, Discours du 29 septembre 1979

Dans la liturgie, le Verbe incarné s’offre à nous dans son corps et dans son sang, donc corporellement. Il s’agit bien sûr d’un corps ressuscité, mais qui n’en reste pas moins véritablement corporel, se donnant à nous sous les espèces matérielles du pain et du vin…
La participation du corps dans la liturgie du Verbe incarné s’exprime par une certaine discipline du corps, en des gestes qui se sont développés à partir des exigences intérieures de la liturgie et qui
manifestent son essence pour ainsi dire corporellement. Ces gestes peuvent varier par certains détails d’une culture à l’autre, mais dans leurs formes essentielles, ils appartiennent à la culture de la foi. En cela, ils forment un langage commun qui franchit les limites des différentes cultures humaines.
Cardinal Joseph Ratzinger (préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi), L’esprit de la liturgie