Le Père Daniel Ange prend la défense du Barroux et du… Chapitre Ste Madeleine !

« Pour ne parler que de la France, le Pape sait-il qu’il existe des groupes et communautés merveilleusement rayonnantes, attirant un grand nombre de jeunes, de jeunes couples et de familles. Ils y sont attirés par le sens du sacré, de la beauté liturgique, de la dimension contemplative, de la belle langue latine, de la docilité au siège de Pierre ; la ferveur eucharistique, la confession fréquente, la fidélité au Rosaire, la passion des âmes à sauver, et tant d’autres éléments qu’ils ne trouvent pas -hélas !- dans nombre de nos paroisses.

               Tous ces éléments ne sont-ils pas prophétiques ? Ne devraient-ils pas nous interpeler, nous stimuler, nous entrainer ? N’était-ce pas l’intuition de St Jean-Paul II, dans son motu proprio « Ecclesia Dei » ?

               Est-il étonnant que les communautés monastiques qui gardent l’Office en latin, et parfois même la célébration eucharistique d’après le missel de St Jean XXIII, soient florissantes, attirant beaucoup de jeunes ?

               Je pense en particulier à des communautés que j’ai la grâce de connaître personnellement et que j’estime et admire, comme celles du Barroux (moines et moniales) et de Ste Marie de la Garde, ainsi que des missionnaires de la Miséricorde ! Autour du premier gravite parmi tant d’autres, le Chapitre Ste Madeleine avec ses centaines d’ados et de jeunes, sans parler de leurs retraitants qui y affluent… »

 

Que dit donc ce nouveau motu proprio du Pape François ?

« L’intention du pape avec son motu proprio Traditionis custodes est d’assurer ou de restaurer l’unité de l’Église. Le moyen proposé pour cela est l’unification totale du rite romain sous la forme du Missel de Paul VI (y compris ses variations ultérieures). Par conséquent, la célébration de la messe sous la forme extraordinaire du rite romain, telle qu’introduite par le pape Benoît XVI avec Summorum pontificum (2007) sur la base du Missel qui existait de Pie V (1570) à Jean XXIII (1962), a été drastiquement restreinte. L’intention claire est de condamner la forme extraordinaire à l’extinction à long terme. » (Cardinal Müller)

 

Que penser de ce nouveau motu proprio du Pape François ?

« On ne comprend pas la justification ni la nécessité d’un tel texte, et ce d’autant plus que le pape a légiféré sur la base d’un argument incomplet et d’informations fausses.

 

1/ L’argument incomplet

Affirmer que le motu proprio Ecclesia Dei de Jean-Paul II n’était motivé que pour « une raison ecclésiale de recomposer l’unité de l’Église » n’est pas exact. Certes, cela en était une raison majeure, mais il y en avait une autre omise par François : « tous les pasteurs et les autres fidèles doivent aussi avoir une conscience nouvelle non seulement de la légitimité mais aussi de la richesse que représente pour l’Église la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat. Cette diversité constitue aussi la beauté de l’unité dans la variété : telle est la symphonie que, sous l’action de l’Esprit-Saint, l’Église terrestre fait monter vers le ciel » (Ecclesia Dei n. 5-a)

 

2/ Les informations fausses

Le pape François affirme que la générosité de Jean-Paul II et Benoît XVI aurait été utilisée par les tradis pour s’opposer à la messe de Paul VI et au concile Vatican II en mettant en péril l’unité de l’Église. Il écrit en effet :

« L’occasion offerte par saint Jean-Paul II et avec encore plus de magnanimité par Benoît XVI de restaurer l’unité du corps ecclésial, dans le respect des diverses sensibilités liturgiques, a été utilisée pour accroître les distances, durcir les différences et construire des oppositions qui blessent l’Église et entravent son progrès, l’exposant au risque de la division. […] Mais je suis également attristé par l’utilisation instrumentale du Missale Romanum de 1962, qui se caractérise de plus en plus par un rejet croissant non seulement de la réforme liturgique, mais du Concile Vatican II, avec l’affirmation infondée et insoutenable qu’il a trahi la Tradition et la “vraie Église”. […] Il est de plus en plus évident, dans les paroles et les attitudes de beaucoup, qu’il existe une relation étroite entre le choix des célébrations selon les livres liturgiques antérieurs au Concile Vatican II et le rejet de l’Église et de ses institutions au nom de ce qu’ils considèrent être la “vraie Église”. Il s’agit d’un comportement qui contredit la communion, alimentant cette pulsion de division. »

Le vocabulaire même utilisé par François est celui de la Fraternité St Pie X : la “vraie Eglise” ! Donc, son constat est vrai si on se limite à la Fraternité St Pie X. Mais il est faux si on l’applique à la mouvance “Ecclesia Dei” dans sa grande majorité… visiblement, nous ne connaissons pas le même monde tradi que le pape ou ses conseillers, car cela ne correspond tout simplement pas à la réalité ; ils le voient comme un monde homogène qui serait en fait celui de la seule Frat St Pie X ! À partir d’informations biaisées sur la situation réelle, on fait croire que le pape répond à une demande qui n’est que celle d’une minorité qui a toujours été farouchement hostile à la forme extraordinaire.

 

3/ L’objectif du pape… et ses conséquences dramatiques prévisibles

« C’est pour défendre l’unité du Corps du Christ que je suis obligé de révoquer la faculté accordée par mes Prédécesseurs. L’usage déformé qui en a été fait est contraire aux raisons qui les ont conduits à accorder la liberté de célébrer la messe avec le Missale Romanum de 1962. » En voulant défendre l’unité, ce motu proprio va apporter incompréhension, désarroi, drames et finalement attiser les divisions au lieu de les réduire : il va aboutir à l’inverse de son objectif et il balaie 35 années d’efforts de Jean-Paul II et Benoît XVI pour apaiser la situation et apporter une paix certes imparfaite mais réelle. Même « la synthèse de la Conférence Episcopale Française », pourtant peu bienveillante à l’égard du monde tradi, reconnaissait que Summorum Pontificum avait conduit globalement à une “situation apaisée”. Christophe Geoffroy (directeur de la revue La Nef)

 

Le fond de la question serait-il donc d’ordre doctrinal et non pas liturgique ?

« En arrivant au pouvoir porté par une minorité active décidée à mettre fin à l’héritage de Jean-Paul II et de Benoît XVI, le pape François s’est entouré d’une véritable cour voulant imposer sa propre feuille de route à l’ensemble de l’Église catholique : communion des divorcés remariés, reconnaissance de l’homosexualité, ordination des hommes mariés, diaconat des femmes… et abrogation de la messe en latin. N’importe quel vaticaniste aujourd’hui vous expliquera que Rome est devenu le terrain de jeu de cette minorité très active qui souhaite imposer sa partition à l’ensemble de l’Église. Elle l’a tenté au moment du synode sur la famille mais aussi au cours du synode sur l’Amazonie. Par deux fois, elle a échoué en rencontrant des oppositions, dont celle du pape émérite, rappelant avec le cardinal Sarah l’importance du célibat sacerdotal. Naturellement, sur ce terrain, le pape joue un rôle de tampon, bien conscient qu’il ne peut porter la responsabilité de l’ensemble de ces changements. La forme extraordinaire du rite romain, elle, n’a pas eu cette chance. Alors que Rome avait une capacité d’absorber les contraires, faisant à la fois cohabiter l’ensemble des sensibilités de l’Église, elle est désormais aux mains de quelques-uns qui ne reculent devant rien dans le but d’imposer leurs propres conceptions. » (Christophe Dickès)

 

« Personne ne peut fermer les yeux sur le fait que même les prêtres et les laïcs qui célèbrent la messe selon l’ordre du Missel de saint Paul VI sont maintenant largement décriés comme traditionalistes. Les enseignements de Vatican II sur l’unicité de la rédemption dans le Christ, la pleine réalisation de l’Église du Christ dans l’Église catholique, l’essence intérieure de la liturgie catholique comme adoration de Dieu et médiation de la grâce, la Révélation et sa présence dans l’Écriture et apostolique, la tradition, l’infaillibilité du magistère, la primauté du pape, la sacramentalité de l’Église, la dignité du sacerdoce, la sainteté et l’indissolubilité du mariage – tout cela est nié hérétiquement, en contradiction ouverte avec Vatican II par une majorité d’Allemands, évêques et fonctionnaires laïcs (même s’ils sont déguisés sous des expressions pastorales)… Le document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur l’impossibilité de légitimer les contacts sexuels homosexuels et extraconjugaux par une bénédiction est ridiculisé par les évêques, les prêtres et les théologiens allemands (et pas seulement allemands) comme étant simplement l’opinion de fonctionnaires de la curie sous-qualifiés. Ici, nous avons une menace pour l’unité de l’Église dans la foi révélée, qui rappelle l’ampleur de la sécession protestante de Rome au XVIe siècle. » (Cardinal Müller)

 

« En outre, en quoi nuisent à l’unité de l’Eglise ceux qui, souvent convertis, assistent à la messe traditionnelle et souhaitent bénéficier d’une pastorale sacramentelle et catéchétique qui a fait ses preuves ? Pourquoi jeter l’opprobre sur eux ? Ils refuseraient le Concile. Pour être franc, l’immense majorité d’entre eux se fiche éperdument du Concile qui ne les intéresse pas et leur apparaît comme une lubie de vieillards idéologues et nostalgiques. Ce que ces fidèles demandent c’est une liturgie qui les porte vers Dieu et un enseignement moral et doctrinal qui leur permette de rester fidèles au Christ et donc de résister aux séductions d’une société apostate » (Jean-Pierre Maugendre)

 

Mais le Pape a-t-il le droit d’abroger un rite liturgique ?

« La plénitude de pouvoir (plenitudo potestatis) du Pontife romain est le pouvoir nécessaire pour défendre et promouvoir la doctrine et la discipline de l’Église. Il ne s’agit pas d’un « pouvoir absolu » qui comprendrait le pouvoir de changer la doctrine ou d’éradiquer une discipline liturgique qui a existé dans l’Église depuis l’époque du pape Grégoire le Grand et même avant. L’interprétation correcte de l’article 1 ne peut être la négation de ce que l’UA (Usage Antique) est une expression toujours vivante de la « lex orandi du Rite romain ». Notre Seigneur, qui a fait le don merveilleux de l’UA, ne permettra pas qu’elle soit éradiquée de la vie de l’Église…

Il est nécessaire ici d’observer que la réforme de la Sainte Liturgie réalisée par le pape Saint Pie V, en accord avec les indications du Concile de Trente, a été très différente de ce qui s’est passé après le Concile Vatican II. Le pape saint Pie V a essentiellement remis en ordre la forme du rite romain tel qu’il existait déjà depuis des siècles. De même, au cours des siècles qui ont suivi, le Pontife romain a pu faire quelques mises en ordre du rite romain, mais la forme du rite est restée la même. Ce qui s’est passé après le Concile Vatican II a constitué un changement radical dans la forme du Rite romain, avec l’élimination de nombreuses prières, de gestes rituels significatifs, par exemple les nombreuses génuflexions, et les fréquents baisements de l’autel, et d’autres éléments riches dans l’expression de la réalité transcendante – l’union du ciel avec la terre – qu’est la Sainte Liturgie. Le pape Paul VI avait déjà déploré cette situation de manière particulièrement dramatique dans l’homélie qu’il avait prononcée lors de la fête des saints Pierre et Paul en 1972. Le pape saint Jean-Paul II s’est efforcé tout au long de son pontificat, et en particulier au cours de ses dernières années, de remédier aux graves abus liturgiques. Les deux Pontifes romains, ainsi que le pape Benoît XVI, se sont efforcés de conformer la réforme liturgique à l’enseignement véritable du concile Vatican II, puisque les partisans et les agents des abus invoquaient « l’esprit du concile Vatican II » pour se justifier. »  (Cardinal Burke)

 

« Nous statuons et déclarons que les présentes lettres ne pourront jamais et en aucun temps être révoquées ni modifiées, mais qu’elles demeureront toujours fermes et valables dans leur portée »…  « Si quelqu’un avait l’audace de contrevenir à la présente entreprise, qu’il sache qu’il encourra l’indignation du Dieu tout-puissant, et des bienheureux Apôtres Pierre et Paul » Bulle Quo primum de St Pie V (restauration de la messe tridentine)

 

« Vatican II, à travers le document conciliaire Sacrosanctum Concilium, a demandé des réformes liturgiques. C’est un document conservateur. Le latin y était maintenu, les chants grégoriens conservaient leur place légitime dans la liturgie. Cependant, les développements qui ont suivi Vatican II sont très éloignés des documents conciliaires. Le fameux « esprit du concile » ne se trouve nulle part dans les textes du concile eux-mêmes. On ne retrouve que 17 % des prières de l’ancien missel (Trente) dans le nouveau missel (Paul VI). Il est difficile de parler de la continuité d’un développement organique. Benoît XVI l’a reconnu et, pour cette raison, a donné une large place à l’ancienne messe. Il a même dit que personne n’avait besoin de sa permission (“Ce qui était sacré alors, l’est toujours aujourd’hui”).

Le pape François fait à présent comme si son Motu proprio s’inscrivait dans le développement organique de l’Église, ce qui est en contradiction totale avec la réalité. En rendant la messe en latin pratiquement impossible, il rompt avec la tradition liturgique séculaire de l’Église catholique romaine. La liturgie n’est pas un jouet des papes, mais l’héritage de l’Église. L’ancienne messe n’est pas une question de nostalgie ou de goût. Le pape doit être le gardien de la Tradition ; le pape est le jardinier, pas le fabricant. Le droit canonique n’est pas seulement une question de droit positif, il y a aussi le droit naturel et le droit divin, et il y a aussi, par dessus de le marché, la Tradition, qui ne peut pas être simplement balayée.

Ce que fait ici le pape François n’a rien à voir avec l’évangélisation et encore moins avec la miséricorde. Il s’agit plutôt d’une idéologie. Allez donc dans une paroisse où l’ancienne messe est célébrée. Qu’y trouverez-vous ? Des gens qui veulent simplement être catholiques. Ce ne sont généralement pas des personnes qui s’impliquent dans des disputes théologiques, pas plus qu’elles ne sont opposées à Vatican II (bien qu’elles soient contre sa mise en œuvre). Elles aiment la messe latine en raison de son caractère sacré, de sa transcendance, du salut des âmes qui s’y trouve au centre, et de la dignité de la liturgie. Vous y rencontrerez des familles nombreuses, et les gens s’y sentent les bienvenus. Elle n’est célébrée qu’en un petit nombre de lieux. Pourquoi le pape veut-il priver les gens de cela ? Je reviens à ce que j’ai dit précédemment : c’est de l’idéologie. C’est Vatican II, y compris sa mise en œuvre avec toutes ses aberrations, ou rien ! Le nombre relativement faible de croyants (qui, soit dit en passant, augmente, alors que le Novus Ordo s’effondre) qui se sentent chez eux à la messe traditionnelle doit être et sera éliminé. C’est de l’idéologie et du mal par nature. » (Mgr Robert Mutsaerts, évêque auxiliaire de Bois-le-Duc aux Pays-Bas)