Pourquoi le prêtre tourne-t-il le dos aux fidèles ?

 

L’histoire de la liturgie montre que la coutume n’a jamais été, ni dans l’Eglise d’Orient ni dans l’Eglise d’Occident, de célébrer face au peuple, mais de célébrer en se tournant vers l’Orient pour prier.
Cette coutume de la prière orientée est immémoriale. Elle avait cours déjà chez les juifs qui priaient en direction de Jérusalem.
Dans l’Eglise primitive, pour le repas de l’agape qui précédait l’eucharistie, les participants étaient assis à des tables (ou étendus sur des divans selon le schéma des repas antiques), mais pour la célébration de la sainte eucharistie, ils se levaient et se plaçaient derrière le célébrant qui se tenait à l’autel tourné vers l’Orient, parce que le soleil levant est le symbole du Christ, ainsi que le chante Zacharie dans le Bendictus, Oriens ex alto.

Cet usage de la prière tournée vers l’Orient a eu une grande importance dans la liturgie antique, et a laissé sa marque dans l’architecture de nos églises.
Lorsqu’il se tient devant l’autel, le prêtre ne prie pas en direction d’un mur, mais tous ceux qui sont présents prient ensemble tournés vers le Seigneur, conversi ad Dominum, ainsi que l’on disait dans la liturgie antique (c’est devenu le titre d’un ouvrage sur la question). Ce qui est important, ce n’est pas tant de réaliser une communauté conviviale que d’entrer en communion avec Dieu qui nous y invite en Lui rendant un culte par l’intermédiaire du prêtre, médiateur entre Dieu et les hommes. Il parle à Dieu au nom de la communauté, comme Moïse sur le Sinaï, il transmet à Dieu les prières des hommes et, en retour, leur dispense les grâces divines.
De tout temps, les hommes qui offraient un sacrifice se sont tournés vers celui auquel le sacrifice était destiné, et non pas vers les participants à la cérémonie. Le prêtre est tourné vers le peuple lorsqu’il a à le catéchiser. A réduire la liturgie de la sainte messe à ce face à face, on dénaturerait celle-ci en un repas d’amitié humaine, estompant tout à fait l’aspect de sacrifice qui est premier.

La célébration versus populum paraît être aujourd’hui la conséquence du renouveau liturgique voulu par le concile Vatican II. (C’est) l’effet le plus visible d’une transformation qui ne touche pas seulement à l’aménagement extérieur de l’espace liturgique, mais implique une conception nouvelle de l’essence de la liturgie…Il est vrai que, dans la construction des églises comme dans la pratique liturgique moderne, le sens du lien entre célébration et orientation n’apparaît plus aujourd’hui, s’il n’a pas complètement disparu de la conscience chrétienne. Comment comprendre autrement que l’on parle de célébration vers le mur ou de tourner le dos au peuple pour désigner l’orientation commune de la prière et du peuple, telle que la Tradition nous l’a transmise?
Cardinal Joseph Ratzinger (préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi), L’esprit de la liturgie

Il y a péril quand le caractère communautaire tend à transformer l’assemblée en un cercle fermé. Il faut réagir de toutes ses forces contre l’idée d’une communauté autonome et autosuffisante : la communauté ne doit pas dialoguer avec elle-même ; elle est une force collective tournée vers le Seigneur qui vient.
Cardinal Joseph Ratzinger (préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi), La célébration de la foi

Quand nous nous levons pour prier, nous nous tournons vers l’Orient d’où le soleil se lève. Non que Dieu ne serait que là, non qu’il aurait abandonné les autres régions de la terre, … mais pour que l’esprit soit exhorté à se tourner vers une nature supérieure, à savoir Dieu.
Saint Augustin, Patrologie latine XXXIV, 1277

Il en résulte que la messe dite face au peuple n’est qu’un total contresens, ou plutôt un pur non-sens ! Le prêtre n’est pas une espèce de sorcier ou de prestidigitateur produisant ses tours devant une assistance de gobeurs : c’est le guide d’une action commune, nous entraînant dans la participation à ce qu’a fait une fois pour toutes Celui qu’il représente simplement, et devant la personnalité duquel la sienne propre doit s’effacer !
Père Louis Bouyer, postface à l’ouvrage de Mgr Gamber, Tournés vers le Seigneur !

Nous nous sommes tellement tournés vers l’assemblée que nous avons oublié de nous tourner ensemble, peuples et ministres, vers Dieu ! Or sans cette orientation essentielle, la célébration n’a plus aucun sens chrétien.
Cardinal Decourtray, archevêque de Lyon, 23 avril 1992